A l’heure où le Gouvernement et des élus rappellent la nécessité d’œuvrer pour une meilleure intégration européenne et un respect des traités, voilà qu’une proposition de Loi (PDL) complètement démagogique, nuisible à l’industrie et donc à la réindustrialisation/relocalisation si désirée/vantée et visant prétendument à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé, a été déposée le 23 août 2022 à l’Assemblée Nationale. Plastalliance décrypte et critique sans langue de bois cette PDL qui fait fi de la législation européenne.
Proposition de Loi visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé (PDL 205 visible ici: https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0205_proposition-loi), le RETOUR.
On parle de retour car à quelques mots/chiffres près, une Proposition de Loi avec le même intitulé et le même contenu avait déjà été déposée le 25 janvier 2022 (voir ici PDL 4958, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4958_proposition-loi#:~:text=541%E2%80%9115%E2%80%9110%20du%20code,est%20pas%20%C3%A9tablie%20sont%20interdits.%20%C2%BB
A l’époque, un seul Député avait déposé cette PDL. Cette fois-ci, c’est accompagné d’autres Députés (Notamment Philippe BOLO….) que le Député Jimmy PAHUN est revenu à la charge.
Si la Proposition de Loi commence par évoquer les dégâts, que nous ne contestons pas, des microplastiques, il prétend dans son exposé des motifs que les microplastiques sont « issus de l’utilisation de certains produits cosmétiques, de peintures ou d’engrais, soit de la dégradation de macroplastiques rejetés dans l’environnement. »
C’est oublier que de nombreuses études indiquent quant à elles que c’est la peinture et les textiles qui sont les causes majeures/principales de l’émission de microplastiques dans l’environnement et non les fabricants de produits plastiques finis.
Il est d’ailleurs étonnant de parler de dégradation des macroplastiques dans l’environnement en micro voire nano plastiques quand même les adversaires acharnés du plastique admettent qu’il faut des centaines ou milliers d’années pour que le plastique se dégrade dans la nature (mer ou autres). Pour rappel, l’industrie du plastique (en production de masse) a bien moins de 100 ans, il faudrait nous expliquer……Par ailleurs, vouloir faire peser sur les industriels français la pollution émise par d'autres continents est intolérable (voir ici par exemple: https://www.nationalgeographic.fr/planete-ou-plastique/les-dix-fleuves-du-monde-qui-charrient-le-plus-de plastique#:~:text=Au%20total%2C%20les%20chercheurs%20estiment,ou%20pas%20collect%C3%A9s%20et%20recycl%C3%A9s.)
Sur l’article 1 de la PDL
L’exposé des motifs de la PDL indique que cet article « vise à interdire les emballages alimentaires constitués de polystyrène ou polymères équivalents à compter du 1er janvier 2025. Il retire ainsi la condition de recyclabilité du matériau considérant que celle‑ci nuit à la clarté du dispositif et surtout ne permet aucunement de résoudre le problème de dangerosité du polystyrène pour l’environnement et la santé. »
Alors que la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets avait déjà abordé le cas des emballages constitués de polymères styréniques en prévoyant qu’ « à compter du 1er janvier 2025, les emballages constitués pour tout ou partie de polymères ou de copolymères styréniques, non recyclables et dans l'incapacité d'intégrer une filière de recyclage, sont interdits », voilà que la PDL estime que recyclable ou pas, il faut les interdire !
La Proposition de Loi veut tuer ainsi dans l’œuf les initiatives prises en France pour créer une filière du recyclage de ce type d’emballage et constitue un coup de poignard dans le dos des acteurs de plus en plus nombreux du recyclage chimique (que l’Etat a accompagné avec des dizaines voire des centaines de millions d’euros d’aide à l’investissement).
Cette PDL fait surtout tomber les masques : Pour certains (en France majoritairement), mêmes recyclés ou recyclables, il faut interdire des produits en plastique autorisés partout ailleurs en Europe !
Cette PDL montre surtout la méconnaissance des évolutions européennes en cours (révision de la Directive Emballages qui pourrait devenir un Règlement d’ailleurs, révision de la directive déchets, révision de REACH). Un nouveau Règlement Ecoconception est en cours d’élaboration et prévoit la mise en place d’un passeport produit numérique qui une fois délivrée permettra au produit titulaire de circuler librement dans l’UE.
La PDL contrevient dans tous les cas à la législation européenne déjà en place.
La Déclaration de l’ancienne Ministre de la Transition Ecologique Barbara POMPILI à l’occasion des débats de la Loi Climat et résilience sur justement le polystyrène mérite d’être rappelée :
« Les interdictions par principe d’un type de matériau au niveau national ne me paraissent pas une bonne solution, car elles seraient contraires au droit européen. La directive 94/62 relative aux emballages et aux déchets d’emballages précise que les États membres ne peuvent faire obstacle à la mise sur le marché, sur leur territoire, d’emballages conformes aux dispositions qu’elle contient. Seuls les emballages non valorisables peuvent être interdits, ce qui n’est pas le cas du polystyrène puisqu’il est déjà recyclé dans certains pays européens et qu’il est valorisable sous forme d’énergie en France.
Ainsi, toute disposition visant à interdire au niveau national certains emballages, par exemple en polystyrène, sera considérée comme une restriction à l’importation, une pratique interdite par l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. » (Source: 02 avril 2021 devant l’Assemblée Nationale, lien : 02 avril 2021 devant l’Assemblée Nationale
La PDL indique qu’ « il est important de souligner que de grands groupes de l’agroalimentaire se sont déjà engagés à ne plus recourir aux polymères et co‑polymères styréniques d’ici 2025 ».
Si certaines marques souhaitent utiliser d’autres matériaux, ce n’est pas le cas de tout le monde bien au contraire et notamment au niveau européen :
https://styrenics-circular-solutions.com/
Où sont : « les études récentes pointent du doigt les effets délétères sur la santé du styrène, même polymérisé » évoquées dans le PDL car si le styrène à l’état initial peut effectivement être toxique notamment par inhalation comme beaucoup de produits chimiques à l’état pur d'ailleurs, mais polymérisé/transformé dans un produits fini, il ne représente aucun risque avéré par lui-même sauf mauvais usage mais comme tout produit.
Par ailleurs, les plastiques sont aujourd’hui la matière la plus sécurisée et normée (REACH) contrairement à d’autres matériaux.
Sur l’article 2 de la PDL
Cet article « vise à interdire les emballages et contenants alimentaires constitués de composés perfluorés dont l’innocuité sanitaire n’est pas établie, à compter du 1er janvier 2024. Il renverse en cela la charge de la preuve. »
Alors que la PDL vise « à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé », il aborde les composés perfluorés utilisés dans des emballages qui ont mis du carton à la place du plastique justement.
La PDL indique « Ils permettent, par exemple, d’imperméabiliser les assiettes et gobelets en carton mis sur le marché suite à l’interdiction de la vaisselle en plastique à usage unique. Leur utilisation devrait aussi se généraliser en raison du développement de la vente à emporter. La migration de ces composés de l’emballage en papier ou carton vers l’aliment est une source d’exposition reconnue. Ils sont également présents dans l’eau potable. L’exposition de la population française a ces composés est donc avérée, y compris chez la femme enceinte, ainsi que sa persistance dans l’environnement. »
Le problème des PFA dans les emballages qui sont utilisés dans certains substituts au plastique est un réel problème qui a déjà été soulevé y compris au niveau européen :
Par exemple la demande de THE EUROPEAN CONSUMER ORGANISATION (European consumer organisations call for action on paper and board food contact materials, 18 juillet 2019) visible dans le lien qui suit
« De la ferme à l’assiette, nos aliments entrent en contact avec de nombreux matériaux et produits différents, tels que les machines de transformation des aliments, les emballages en plastique ou en papier, les ustensiles de cuisine et la vaisselle en céramique. Bien que ces matériaux soient essentiels à la façon dont nous transportons, préservons et finalement consommons nos aliments, ils peuvent également avoir un impact négatif sur la qualité et la sécurité des denrées alimentaires.
Les produits chimiques présents dans les matériaux en contact avec les aliments (FCM) sont connus pour migrer dans les aliments et donc les contaminer, créant ainsi potentiellement des risques pour la santé des consommateurs. La législation européenne existante vise à protéger les consommateurs contre de tels risques ; cependant, les règles actuelles sont déficientes et offrent une protection insuffisante des consommateurs.
Des tests antérieurs effectués par des groupes de consommateurs européens ont ainsi mis en évidence l’utilisation problématique dans les emballages alimentaires en papier et carton de composés fluorés, un groupe de produits chimiques suspectés d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine. De nouvelles preuves émanant d’organisations de consommateurs démontrent désormais que des produits chimiques préoccupants sont également présents dans les papiers et cartons colorés en contact avec les aliments, et migrent à partir de ceux-ci, tels que les tasses à café, les pailles en papier, les serviettes imprimées et les produits d’épicerie emballés dans du papier ou du carton. Ces résultats soulignent à nouveau la nécessité de règles européennes strictes régissant la sécurité des FCM papier et carton. »
Ou par l’UFC Que choisir (Vaisselle jetable Sans plastique mais pas fantastique, 19 mai 2021 :
https://www.quechoisir.org/enquete-vaisselle-jetable-sans-plastique-mais-pas-fantastique-n91190/
Extrait du 1er lien ci-dessus : « Sur 16 assiettes, bols et pailles testés par nos soins, à peine 3 sont exempts de tout composé indésirable. Ce lourd bilan peut s’expliquer, entre autres, par un encadrement insuffisant. (…) Seuls quatre types de matériaux font pour l’instant l’objet d’une réglementation spécifique avec des seuils précis à l’échelon européen. Le plastique en fait partie, mais pas ses substituts (…) Une question encore se pose au vu de nos analyses, celles des contaminants problématiques pour l’environnement que nous avons décelés. Il s’agit, notamment et une nouvelle fois, des composés perfluorés, polluants extrêmement persistants et omniprésents. »
Vouloir lutter contre les PFA contenus dans certains emballages, c’est une très bonne chose sauf que cette lutte est la démonstration de l’absurdité de la volonté de remplacer à tout crin le plastique des emballages par des substituts dont les effets sont infiniment bien pires que le matériau initial recyclé et/ou recyclable (PP, PET, PS) qui est normé, mieux écoconçu (monomatériau au lieu d’alliages complexes) et « SAFE » selon la norme REACH. Dans tous les cas, une interdiction ne peut passer que par la voie européenne.
Sur l’article 3 de la PDL
Selon l’exposé des motifs du PDL, « l’article 3 améliore l’information du consommateur en rendant obligatoire le marquage des produits à usage unique contenant du plastique dès 2024 ».
Dans la même veine que ce qui précède, la PDL démontre une nouvelle fois que les prétendus nouveaux emballages alternatifs au plastique sont in fine composés quand même d’un peu de plastique car sinon ça ne marche pas, on passe d’un monomatériau à au moins 2 (carton + film plastique en PE par exemple voire PFA comme vue plus haut) ce qui est une hérésie en terme d’écoconception.
Selon la PDL, « Le développement de nouveaux emballages constitués majoritairement de carton - comme alternatives au tout plastique - mais constitués également de matière plastique - fine pellicule, etc. - tend à induire le consommateur en erreur. Le risque étant que celui‑ci soit moins attentif au geste de tri, moins conscient de la dangerosité pour l’environnement de l’emballage, pensant avoir privilégié un emballage visiblement en carton. »
Cependant, les dispositions de la PDL ne sont pas applicables au niveau franco-français, l’UE est maîtresse en terme de marquage et le règlement écoconception avec le passeport produit numérique cité plus haut va s’occuper de cela. Il n’appartient pas au législateur français de créer son propre système de marquage car cela pourrait contrevenir à la libre circulation des biens et déstabiliserait le marché intérieur.
L’article 1.5.2 de la partie intitulée « Fiche Financière Législative » en page 110 du projet de Règlement européen sur l’écoconception indique avec justesse et sagesse :
« les États membres agissant seuls n’auraient pas la possibilité d’instituer des mesures appropriées sans créer de divergences dans les exigences pour les opérateurs économiques, ni d’obstacles à la libre circulation des produits, de charge réglementaire et de coûts excessifs pour les opérateurs économiques. En outre, les États membres agissant seuls concevraient inévitablement des outils divergents qui compliqueraient les choix du consommateur. Si les États membres agissaient individuellement, il y aurait donc un risque élevé de finir avec différents systèmes concurrents, fondés sur des méthodes et des approches différentes, en particulier les produits commercialisés sur le marché intérieur, ce qui créerait une fragmentation du marché, et risquerait de se traduire par des inégalités dans les niveaux de sensibilisation et d’information sur la performance environnementale des produits dans l’UE et par des coûts supplémentaires pour les entreprises faisant du commerce transfrontière. »
Rappelons qu’en application de l’article 18 de la Directive n° 94/62/CE du 20/12/94 relative aux emballages et aux déchets d’emballages :
« Les Etats membres ne peuvent faire obstacle à la mise sur le marché, sur leur territoire, d’emballages conformes à la présente directive. »
L’Article 34 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) indique :
« Les restrictions quantitatives à l’importation ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres. »
L’Article 35 du TFUE :
« Les restrictions quantitatives à l’exportation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres. »
Enfin , « La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence. » (17. Déclaration relative à la primauté, DÉCLARATIONS annexées à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007).
Sur l’article 4 de la PDL
Selon l’exposé des motifs de cette PDL, cet article « permet aux autorités locales de limiter l’introduction d’objets en plastique à usage unique dans les espaces protégés ».
Ce n’est pas le fait d’utiliser des objets plastiques à usage unique qui pose problème mais le fait que des produits (en plastique mais pas que) se retrouvent dans la nature.
Selon cette PDL, la canette d’aluminium, la cigarette ou une bouteille de bière (que les tortues digèrent mieux selon une étude que nous n'avons jamais trouvé) pourrait donc être autorisée dans les aires protégés mais pas une bouteille d’eau en PET ou un flacon de gel hydroalcoolique (très souvent en plastique).
Au lieu d’interdire des produits, interdisez des comportements : L’incivilité chronique ou des politiques visant carrément à supprimer/diminuer les poubelles pour prétendument diminuer les déchets !
Bref une proposition de Loi contre laquelle Plastalliance se battra.
Pour contacter Plastalliance: communication@plastalliance.org
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