Le référé suspension en droit administratif est un véritable mur qu’il est très difficile de passer. Alors que dans le droit civil, la suspension d’un acte peut résulter de la nécessité de prévenir un dommage imminent (action préventive sur un dommage non encore établi mais qu’on souhaite éviter) ou de faire cesser un trouble manifestement illicite, la jurisprudence administrative a mis en place depuis des années une doctrine bien particulière avec des conditions très draconiennes pour caractériser cette condition d’urgence.
Pour le Conseil d’Etat, « la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, Confédération nationale des radios libres C/Ministère de l’emploi et de la solidarité , 19 janv. 2001, n° 228815, Lebon).
C’est sur cette base que le Conseil d’Etat a rendu le 16 février 2024 (décision téléchargeable plus bas) une ordonnance de rejet sur la demande de suspension par Plastalliance concernant l’Arrêté litigieux.
La décision du juge a été rendue sans aucune audience contradictoire et elle ne se prononce pas sur le fond. Plastalliance note que le tribunal ne s’est fondée que sur l’absence de situation de d’urgence pour rejeter le recours et non sur un caractère irrecevable ou mal fondé du recours.
En effet l’article L 522-3 du code de justice administrative indique : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. »
La décision du Conseil d’Etat en référé ne préjuge pas du résultat du recours au fond qui suit son cours. L’Histoire a déjà montré et à de nombreuses reprises qu’un recours peut être rejeté en référé et prospéré in fine au fond. Le contentieux sur le Décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique en est un parfait exemple : Le Conseil d’Etat avait rejeté le recours en référé de Plastalliance (CE, 25 nov. 2021, n° 458441) pour ensuite annuler le décret près d’un an plus tard (CE, 9e et 10e ch. réunies, 9 déc. 2022, n° 458440). Rappelons que pour Plastalliance, l'Arrêté du 07 décembre 2023 violerait notamment des dispositions du droit européen et prévoirait des dispositions préjudiciables à un moment ou à un autre au secteur de l'industrie de l'emballage plastique.
Cependant et au moment où le juge statuera sur le fond de l'affaire, le dommage aura déjà eu lieu et l’annulation espérée de l’Arrêté du 07 décembre 2023 exposera les éco-organismes à rembourser aux metteurs sur le marché des centaines de millions d’euros versés au titre de la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP). Il n'est pas non plus à exclure une action en responsabilité vis à vis de l'Etat compte tenu que "toute illégalité commise par l’administration constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité, pour autant qu’il en soit résulté un préjudice direct et certain" (CE, 6e et 1re ss-sect. réunies, 30 janv. 2013, n° 339918, Lebon). Il serait peut-être utile de réfléchir à une réforme de la procédure en référé devant le juge administratif pour la caler sur ce qui se fait dans le civil, car comme le dit l'adage, il vaut toujours mieux prévenir que guérir.
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