Vous retrouverez en fin d'article notre réaction générale en français et en anglais aux déclarations du Président candidat Emmanuel Macron le 16 avril 2022. Ce qui suit sont nos remarques détaillées sur certains de ses propos (mis en gras).
A lire également en parallèle l'excellent article de Madame Sophie de Menthon Présidente d'ETHIC (dont Plastalliance est membre) et de Loïc Le Floch Prigent Capitaine d'industries et Président de la Commission Industrie d'ETHIC: https://atlantico.fr/article/decryptage/gagner-l-election-a-quel-prix-elysee-2022-emmanuel-macron-ecologie-environnement-industrie-entreprises-france-second-tour-la-republique-en-marche-reformes-solutions-monde-du-travail-sophie-de-menthon-loik-le-floch-prigent
Alors que le Président candidat indique lors de ce meeting que "Pour réussir la bataille pour le climat, pas d’injonction, mais du respect et de l’ambition, pas de fausses leçons, mais la clarté dans les objectifs, et de l’investissement", il indique également qu'il souhaite:
"Avoir une économie plus écologique, c’est aussi accompagner, accélérer les changements d’usage.
Nous avons commencé de le faire ensemble en mettant fin et en nous battant contre le gaspillage alimentaire, en prenant de nouvelles lois, en nous battant justement contre aussi le gaspillage de produits manufacturés en luttant contre l’obsolescence programmée, en luttant contre le plastique à usage unique.
Depuis le début de l’année, les fruits et légumes sont vendus en vrac, plus dans les sachets plastiques. C’est le fruit de nos lois."
En premier lieu, accompagner les changements d'usage mais pour faire quoi? Le vrac? Cela ne marche pas et les consommateurs n'en veulent pas et même le Gouvernement recule sur ce sujet qu'il a pourtant poussé à tout crin en faisant croire à certains commerçants que c'était l'avenir. La crise sanitaire a en effet rappelé toute l'utilité des emballages à usage unique:
Voir par exemple (cliquer)
En deuxième lieu, lutter contre le gaspillage alimentaire? Ce n'est certainement pas sans les emballages et notamment le plastique à usage unique qu'on va y arriver. L'exemple concernant les fruits et légumes (non prévu par l'UE soit dit en passant) est très parlant:
"Le concombre est composé à 96 % d’eau qu'il commence à perdre aussitôt après récolte. Au bout de 3 jours, il a perdu tant d'eau qu’il devient terne, mou et donc invendable. Un film plastique d’emballage de 1,5 gramme prolonge sa durée de vie de 14 jours." (Source: https://conseil-emballage.org/wp-content/uploads/2018/03/Contribution-de-l%E2%80%99emballage-a%CC%80-la-re%CC%81duction-du-gaspillage-alimentaire-en-France.pdf)
Rappelons que ce même Gouvernement, "en même temps", a prévu d'avoir recours au plastique à usage unique dans "les situations nécessitant de constituer des stocks de précaution ou de recourir à des denrées et rations alimentaires dont le conditionnement répond à des exigences en matières de durée de vie et de protection des qualités sanitaires et organoleptiques de l'alimentation" (Voir notre article sur le sujet https://www.plastalliance.org/quand-la-france-realise-que-le-plastique-a-usage-unique-est-incontournable )
Le Président candidat ajoute:
Et nous réduirons drastiquement dans les 5 années qui viennent et nous tiendrons et même accélérerons le cap de 2040 pour sortir complètement des plastique non recyclables. Mais quelle est la clé derrière cela ? Une méthode là aussi qui permet de réconcilier l’écologie et l’économie, un cap avec un interdit à horizon et des investissements, des investissements et la volonté de développer toute une économie circulaire, c’est-à-dire des emplois, des entreprises, qui vont nous permettre d’utiliser ce plastique pour l’utiliser différemment et construire de nouveaux matériaux."
Sortir du plastique NON RECYCLABLE à horizon 2040? Chiche sauf que la Loi AGEC votée par le Gouvernement actuel prévoit la fin de tous les emballages en plastique à usage unique en 2040 sans prendre en compte la recyclabilité ou non de ces emballages:
L’article 7 de la Loi du 10 février 2020 (AGEC) indique « La France se donne pour objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. »
Si le Président candidat annonce un virage sur ce sujet avec une Loi qui sera amendée pour ajouter le caractère recyclable ou non, nous disons oui même si le reste du discours dit autre chose, "en même temps".
Dans tous les cas, il faut arrêter le double discours avec des injonctions paradoxales et contradictoires qui perturbent gravement la visibilité des industriels de l'emballage plastique.
Enfin, qu'entend le Président candidat quand il dit qu'il souhaite "utiliser ce plastique pour l’utiliser différemment et construire de nouveaux matériaux". On ne comprend pas......
Le Président candidat se réjouit qu' "Au moment où je vous parle aujourd’hui en France grâce à nos ambitions écologiques et notre politique économique, nous avons il y a quelques jours acté de l’ouverture de la plus grande entreprise européenne d’économie circulaire pour transformer les plastiques, y compris les plus complexes. Et c’est le fruit de notre politique d’attractivité, d’ambition économique et écologique".
Il parle certainement de l'usine de l'américain EASTMAN (Voir https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/eastman-choisit-la-normandie-pour-son-usine-geante-de-recyclage-de-plastiques-1397296)
qui prévoit d'implanter en Normandie la plus grande usine au monde de recyclage chimique des déchets d'emballages en PET (et non la plus grande entreprise européenne d'économie circulaire car si le recyclage chimique est de l'économie circulaire, l'économie circulaire ne se résume pas au recyclage chimique, il y aussi le recyclage mécanique, l'utilisation de plastique biosourcé compostable par exemple et avec de très gros acteurs).
Par ailleurs, comment le Président candidat compte-t-il approvisionner en matières premières (emballages PET à usage unique) ce type d'usine s'il souhaite à terme les interdire?: Soit cette interdiction à horizon 2040 est une fake news soit c'est une condamnation à une fermeture programmée dans 15 ans.....
Le Président candidat conclut sur le plastique en indiquant:
"Lutter contre ce continent de plastique qui étouffe la biodiversité en mer et qui nous menace, ça n’est pas lutter contre le plastique qui est déjà en mer car c’est déjà trop tard. Plusieurs qui sont ici me l’ont bien expliqué en septembre dernier. Le plastique une fois en mer se dissout en microparticules et il tue algues et planctons déjà. Lutter contre la pollution par le plastique et les drames qu’il crée, c’est lutter contre le plastique qui arrive dans nos paysages, dans nos décharges et nos rivières. Pour cela il faut faire deux choses. En finir avec le plastique à usage unique que l’on jette et mener la stratégie que j’évoquais tout à l’heure, celle de l’économie circulaire, celle du tri sélectif, celle que nous intensifierons par nos investissements et les changements d’usage.
Mais il nous faut aussi, en même temps comme certains diraient, il nous faut en même temps en finir avec ces grandes décharges. C’est pourquoi sur les trois ans qui viennent nous mettrons fin à 50 grandes décharges à ciel ouvert qui aujourd’hui polluent nos territoires, nos rivières et nos mers, menacent notre biodiversité et préparent ce plastique de demain qui arrivera sinon dans notre mer. C’est tout cela lutter pour la biodiversité, pour nos forêts, nos mers, nos paysages. C’est possible bien sûr !"
Tout d'abord, le Président candidat parle de quelque chose qui n'existe pas, le fameux "continent de plastique".
"Il existe des zones de convergence où les plastiques, pour des raisons de circulation des grands courants marins, vont se concentrer. Mais les quantités de plastiques dans ces zones sont très minimes. Ce sont quelques milliers de tonnes. Ce n'est rien par rapport à la production mondiale de plastique", explique François Galgani, scientifique à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), à Bastia, et responsable d'un groupe d'experts sur les déchets marins pour l'Union européenne. "En aucun cas, il y a des continents de plastique, ni des quantités suffisantes pour justifier un ramassage". (Source: https://www.rts.ch/info/monde/9576387-le-continent-de-plastique-nexiste-pas-selon-plusieurs-scientifiques.html ).
Par ailleurs, la grande majorité des déchets plastiques qui se déversent dans les mers et océans ne proviennent pas d'Europe mais d'Afrique et d'Asie: https://docksci.com/export-of-plastic-debris-by-rivers-into-the-sea_59e62255d64ab2c25557e92b.html
En effet, "Selon les scientifiques, ces dix fleuves seraient responsables de 88 à 95 % de la déverse océanique mondiale de déchets en plastique de toutes les tailles.
Au total, les chercheurs estiment qu’entre 410 000 et 4 millions de tonnes de plastique des fleuves finissent dans les océans chaque année. La source principale de la pollution provient de zones où les déchets sont peu ou pas collectés et recyclés." (Source: https://www.nationalgeographic.fr/planete-ou-plastique/les-dix-fleuves-du-monde-qui-charrient-le-plus-de-plastique#:~:text=Figurent%20dans%20cette%20liste%20%3A%20le,Nil%20et%20le%20Niger%2C%20deux )
Le Président candidat Emmanuel Macron veut en finir avec "le plastique à usage unique que l'on jette": On arrête de le jeter ou on arrête un matériau décrié à cause de l'incivilité et/ou l'absence de filière crédible de collecte tri et recyclage? Et si on arrête tous les plastiques à usage unique, comment vont survivre les centres de tri et de recyclage mécanique-chimique en l'absence de ressource? Et les collectivités qui dépendent également de ces ressources?
Et concernant la fin "des décharges à ciel ouvert", on ne connaissait pas les décharges à ciel fermé et par ailleurs, pourquoi ne pas avoir plus tôt encourager le recyclage (certes plus coûteux) que l'enfouissement (certes plus rentable)? L'Allemagne est déjà à près de 0% d'enfouissement (avec 50% d'emballages plastiques recyclés) alors que près de 30% des emballages plastiques français finissent en décharge (et avec près de 28% seulement recyclés).
Quand l'exécutif comprendra que le problème de la pollution plastique est un problème de gestion calamiteuse des déchets et non de matériau et que le cadre fixé par l'UE ne doit pas être dépassé à coups de surtranspositions, on aura déjà avancé.
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